Le chant de lodreu thaye
Le chant de lodreu thaye
Ce texte, traduit du tibétain par le comité Lotsawa, est la dernière partie de ce qui a été présenté dans le magazine du n°3 de Dharma, sous le titre : « Vie et enseignement de Djamgœun Kontrul Lodreu Thayé ».
La première partie chantait la base du Mahâmudrâ, dont voici maintenant le chemin et le fruit.
Qu’appelle-t-on chemin du Mahâmudrâ ?
Mahâmudrâ est notre propre nature, reconnue par la grâce du Lama et notre dévotion
L’esprit en lui-même et toutes apparences
sont Mahâmudrâ ;
L’esprit est inné, il est Dharmakâya. Les apparences sont la lumière
de ce Dharmakâya inné. Quand la grâce du glorieux Lama et notre propre
qualification karmique se rencontrent,
nous reconnaissons alors notre propre nature,
comme on retrouve un vieil ami.
Les trois portes de la libération sont : non-fabrication, non-distraction, non-méditation
Il ne sert à rien de beaucoup en parler, mais de
quoi le débutant a-t-il besoin ?
Il doit abandonner les pensées divaguant
dans le passé ou anticipant le futur,
Et rester dans la connaissance
du présent instantané.
Sans rien y fabriquer,
en l’état fondamental naturel ;
Sans qu’il y ait la moindre chose à méditer
intentionellement par le mental,
Sans s’égarer un seul instant
dans les distractions illusoires.
Non-distraction, non-méditation,
absence de fixation, voilà les points essentiels.
En l’état originel, les quatre niveaux d’expérience apparaissent successivement
En l’état originel, détendu,
transparent de lui-même,
Dans l’espace de ses trois portes
de libération (1),
Disposant parfaitement l’attention du rappel
et la vigilance, préservant toujours en l’esprit la juste mesure
entre tension et relâchement
Qui voit s’apaiser l’ensemble des pensées
subtiles, tangibles ou grossières,
L’esprit, sans fabrication,
reste en l’état de repos naturel.
Les quatre niveaux d’expériences (2)
apparaissent alors successivement,
Et le soleil de la Claire lumière brille sans cesse.
Si la racine du Mahâmudrâ n’est pas plantée, Mara – les démons – nous terrasse sur la voie
Ainsi est plantée la racine
de la méditation du Mahâmudrâ.
Sans cela, parler de hautes réalisations
est comme projeter de construire
une forteresse sans fondations.
Un désir excessif pour cette expérience
est l’œuvre de Mâra (3),
Et la plupart de ceux qui ont beaucoup d’ardeur
mais ont peu écouté (les enseignements)
Sont trompés par des semblants de qualités ;
Ils conduisent eux-mêmes et autrui sur le chemin des existences inférieures.
De même, l’attachement aux bonnes expériences nous enferme dans le samsara
De même, les bonnes expériences
de félicité, de luminosité ou de non-pensée,
Si l’on s’y attache (4 et 8),
sont la cause d’un devenir samsârique.
C’est par la dévotion et l’influence spirituelle que se transmet le sens essentiel…
C’est quand la dévotion est rivée au cœur
Et que roc et os (5) se rencontrent en l’esprit,
Que se transfère l’influence spirituelle de la
transmission du sens essentiel (6).
… Transcendant les quatre déviations, trois erreurs, quatre joies et trois types d’agents
C’est alors que,
sans s’égarer dans les quatre déviations (7),
Ni tomber dans les trois erreurs (8),
Transcendant les quatre joies (9),
libre des trois types d’agents (10), on arrive au terme des trois types
de naissance (11). Non touchée par l’esprit des trois grands (12),
C’est la nature spontanée, la connaissance primordiale, ordinaire, vue comme Dharmakâya
C’est la nature spontanée,
inaltérée par la notion d’une expérience ;
Semblable au milieu d’un ciel sans nuage,
Se connaissant elle-même,
lumineuse par elle-même,
C’est la connaissance primordiale
non conceptuelle, inexprimable
et au-delà de tout exemple, C’est la connaissance ordinaire
dans toute sa nudité ;
Délaissant toute compréhension théorique
et affirmation péremptoire,
Elle est clairement vue
comme étant Dharmakâya.
En cet état, l’apparence des objets des six consciences a la nature du Mahâmudrâ…
En cet état de connaissance première,
L’apparence des objets des six consciences (13)
devient éclatante
Tel le reflet de la lune sur l’eau.
Tout ce qui survient (est expérimenté)
en l’état naturel, sans fabrication.
Tout ce qui apparaît a la nature du Mahâmudrâ,
… Dharmakâya de grande félicité, réalisé en l’union non duelle de chiné et lhaktong
Toute apparence phénoménale
est alors le Dharmakâya de grande félicité.
Les deux méditations : de chiné
– rester tel quel en l’état naturel -,
et de lhaktong
– qui voit le sens de l’invisible -, (14)
Ne doivent pas être dissociées
mais pratiquées conjointement,
Quoi que l’esprit connaisse, (que celui-ci soit)
au repos ou en mouvement.
Quand on a saisi le naturel de l’expérience immédiate, c’est l’état de non-méditation
Les illusions conceptuelles
ne sont pas à abandonner.
Les pratiques vertueuses
ne sont pas utilisées comme antidotes.
Un moment viendra
où cela se réalisera de soi-même.
Quand on a saisi le naturel
de l’expérience immédiate,
Sans qu’il y ait méditation ou quoi que ce soit,
A la frontière de l’état
sans abandon ni obtention,
La méditation elle-même n’existe plus.
Pour les débutants, c’est par la pratique de la méditation que viennent les expériences
Mais, pour les débutants qui n’ont pas dissout
Les spécificités de la conceptualisation,
II est important de méditer.
C’est par la pratique de la méditation
que viennent les expériences,
Elles apparaissent comme parures de l’esprit.
Ce chemin du Mahâmudrâ se divise en quatre yogas :
1) L’absorption unique, reconnaissance de la véritable nature de l’esprit
La reconnaissance de la véritable nature de l’esprit
est l’absorption unique,
Divisée en trois degrés : inférieur, moyen, et supérieur.
On y voit alternativement l’essence de la félicité et de la clarté,
et l’on y obtient la liberté
de rester absorbé en samâdhi ;
L’expérience de la luminosité de la Claire
lumière y est ininterrompue.
2) La simplicité – l’absence de superfétations –, la réalisation de l’absence de fondement
La réalisation de l’absence de fondement
de l’esprit est « l’absence de projection »,
divisée en trois degrés :
inférieur, moyen et supérieur.
On y réalise qu’apparition, demeure et cessation
sont vacuité.
On y est libre fondamentalement de la fixation
sur les apparences et sur la vacuité.
On y coupe court aux superfétations (15)
projetées sur toutes choses.
3) L’unique saveur, la libération de la saisie dualiste en la sagesse aux cinq aspects
La fusion de l’esprit et des apparences
est « l’unique saveur »,
Divisée en trois degrés :
inférieur, moyen et supérieur.
Tous les phénomènes dualistes
se fondent en une seule saveur.
Les apparences et l’esprit y sont
comme de l’eau versée dans de l’eau.
De cette égale saveur, s’élèvent les différentes sagesses.
4) La non-méditation, extinction de l’esprit conceptuel, connaissance primordiale…
L’épuisement définitif de l’esprit conceptuel est
« la non-méditation »,
Divisée en trois degrés :
inférieur, moyen et supérieur.
Il n’y a plus ni méditant et ni méditation.
… du Dharmadhatu – purifié le voile de la dualité et fusionnées les deux Claires lumières
Les tendances du voile
de la connaissance objective (16)
Sont progressivement purifiées.
Les Claires lumières mère et fils (17)
ayant fusionné,
La connaissance primordiale du Dharmadhatu
pénètre tout l’espace.
L’épuisement de toutes les tendances est le lieu de tous les yogis tout puissants
En bref, l’esprit demeurant à volonté dans l’état
d’absorption,
C’est l’absorption unique ;
Elle est la vision de la face même
de la « connaissance ordinaire ».
La « simplicité » est la réalisation de l’absence de fondement.
L »‘unique saveur »
est la libération en l’esprit
de tous les phénomènes de la saisie dualiste.
La « non-méditation » est l’au-delà des notions de méditation
et de non-méditation,
L’épuisement de toutes les tendances.
C’est le lieu de tous les yogis tout puissants.
Les Lamas du Rosaire d’or ont dissipé les deux voiles et développé les deux connaissances
Depuis Naropa et Maitripa jusqu’au seigneur
Lama Péma Ouangtchèn,
Tous les membres du rosaire d’or des Lamas
Kagyupa ont atteint le royaume de
non-méditation du Dharmakàya,
Et dissipé dans l’espace
l’obscurité des deux voiles (18).
Ils ont développé les grandes aptitudes
des deux connaissances (19),
Ils ont ouvert le trésor omniprésent de bodhicitta relatif et réalisé bodhicitta ultime
Ont ouvert le trésor omniprésent
des bienfaits altruistes,
Et se sont établis dans le refuge de l’esprit
libre de doutes.
La lignée orale Kagyu a parfaitement transmis le sens essentiel
La lignée de transmission orale,
de chacun de ses membres au suivant,
A la réputation de s’être transmise
non seulement dans des mots
Mais avec le sens essentiel.
Je vous prie, lignée de grande bonté, de me conduire rapidement à la parfaite réalisation
Je ne suis qu’un individu de basse naissance,
Pourtant je détiens les marques
de votre lignée seigneuriale.
Vous qui êtes de grande bonté,
Conduisez-moi rapidement
au royaume de la non-méditation.
Et faites que s’épuise à jamais
l’esprit conceptuel.
Qu’appelle-t-on fruit du Mahâmudrâ ?
Sa base est la reconnaissance de l’état naturel, sa voie celle de la vision et de la méditation
Sa base est la reconnaissance
de sa propre essence :
les trois Corps (20) de l’état naturel.
Sa voie est l’application des points clés
de la vue et de la méditation.
Son fruit est la réalisation des trois Corps du Bouddha
Son fruit est l’actualisation des trois Corps immaculés.
Sa nature est vacuité,
absence de projection, le Dharmakàya.
Son rayonnement
est la luminosité naturelle du Samboghakâya.
Ses manifestations multiples et incessantes
sont le Nirmanakâya.
Mahâmudrâ est l’ultime union accomplie en elle-même, omniprésente et omnipénétrante…
Mahâmudrâ est ce qui embrasse
et pénètre toutes choses,
C’est (l’ultime) union
(accomplie) en elle-même.
… Dharmadhatu, pure félicité, sagesse de l’amour transcendant la pensée
Elle est Dharmadhâtu,
libre d’acquisition ou de rejet,
Elle a la jouvence de la pure félicité,
Elle est l’incommensurable
richesse de la sagesse,
La forme naturelle d’amour
transcendant la pensée.
Libre du samsara et du nirvana, en Mahâmudrâ s’accomplit spontanément l’activité d’éveil
Dans sa connaissance transcendante,
On ne reste pas dans le samsara.
Par sa compassion,
on ne reste pas dans le nirvana.
Et spontanément s’accomplit sans effort
l’activité éveillée.
En Mahâmudrâ se révèle le trésor qui accomplit tous les souhaits sans effort
Lorsque les deux Claires lumières
du fondement et du chemin, mère et fils,
se dissolvent l’une en l’autre,
Et que fondement et fruit fusionnent.
Nous découvrons Bouddha
en notre propre esprit,
Et le trésor exauçant tous les souhaits
se révèle de l’intérieur.
Quelle joie, quelle sublime merveille !
Mahâmudrâ est non-conception, non-méditation et activité spontanée
Dans la perspective de Mahâmudrâ,
on n’applique pas d’analyse nominale.
Elle délaisse au loin la connaissance issue des
fabrications du mental.
La méditation du Mahâmudrâ
n’est pas une fixation sur quelque chose
de pensé.
Elle abandonne toute méditation fabriquée.
L’activité de Mahâmudrâ ne s’appuie pas
sur l’intention de faire quelque chose.
Elle est libre des idées sur ce qu’il faut faire
ou ne pas faire.
Le fruit du Mahâmudrâ n’est pas à une acquisition espérée qu’on a craint de ne pas obtenir
Le fruit du Mahâmudrâ n’est pas
quelque chose de nouveau qui soit acquis.
C’est pourquoi il laisse au loin l’esprit de désir
avec ses espoirs et ses craintes.
C’est le point crucial de l’esprit, Dharma permettant d’obtenir l’état de Bouddha en une vie
Ceci est le point crucial de l’esprit
de tous les maîtres Kagyu,
L’unique chemin parcouru
par les Victorieux et leurs Fils,
Le moyen d’inverser
le cercle vicieux du samsara.
Voilà le Dharma qui permet d’obtenir l’état de
Bouddha de son vivant.
Mahâmudrâ est l’essence de tous les enseignements du Bouddha : sûtra et tantra
C’est l’essence de tous les enseignements
du Bouddha, que ce soient ceux des sûtra
ou des tantra (21).
Le souhait de réaliser le suprême accomplissement du Mahâmudrâ
Puissent moi-même
et tous les êtres emplissant l’espace
Atteindre ensemble réalisation
et libération simultanées,
Et réaliser le suprême accomplissement
du Mahâmudrâ.
Collophon de l’auteur
Pour ne pas briser le sceau marquant toute apparence, l’ordre de la Prajnâpâramitâ, sublime vacuité parlant sous la forme du maître adamantin, moi, Yeuntèn Gyatso Lodreu Thayé, servi-
teur de Péma Ouangtchèn, composai ce chant en le « Jardin de la grande félicité et de la Claire lumière », sur le versant gauche de la colline des trois Devikoti de Tsa Rintchèn Drak.
Notes
(1) Les trois portes de libération (rnam tha sgossum).
Dans le contexte du vajrayâna et de la méditation de mahâmudrâ, ce sont les trois points essentiels décrits dans le texte :
– L’absence de fabrication (ma dcod)
– L’absence de distraction (ma yèngs)
– L’absence de méditation (mi sgom).
Dans le contexte du mahâyâna, les trois portes de libération sont : la vacuité (slong pa nyid), l’absence de caractéristiques (mtshan ma medpa) et l’absence d’intention (smonpa medpa).
(Dans ce texte, les mots tibétains sont donnés en translitération).
(2) Les quatre niveaux d’expérience (nyams rim pa bzhi).
Ce sont les quatre yogas de mahâmudrâ, c’est-à-dire quatre niveaux successifs de réalisation de sa pratique :
– L’absorption unique (rtse gcig),
– L’absence de projection (spros bral),
– L’unique saveur (ro gcig),
– La non-méditation (sgom med).
(3) Mâra (bdud), souvent traduit par « démon ».
Mâra est le tentateur du Bouddha Sakyamuni qui apparut juste avant que celui-ci n’atteigne l’illumination. En général, les « démons » sont toutes les difficultés que le méditant peut rencontrer sur la voie. On les classe en quatre catégories : le démon des agrégats, le démon des émotions perturbatrices, le démon de la mort et le démon des bonheurs divins.
(4) Attachement aux bonnes expériences : ce défaut est expliqué dans la note (8) sur « Les trois erreurs ».
(5) Roc et os :
Dans cette expérience imagée, l’os symbolise notre pratique qui, lorsqu’elle est forte et solide, peut rencontrer le roc des enseignements.
(6) La transmission du sens essentiel (don rgyud).
C’est la transmission de la réalisation effective de la nature ultime de l’esprit et de toute chose ; la réalisation de la vacuité.
(7) Les quatre déviations (shor sa bzhi).
Ce sont quatre compréhensions erronées de la vacuité :
– La déviation qui consiste à considérer la vacuité comme un objet de connaissance (she bya’i gshis la shor ba). C’est-à-dire concevoir la vacuité comme quelque chose qui s’appliquerait sur les apparences, ou qu’il faille accomplir séparément de ce qui est fondamentalement là.
– La déviation qui consiste à considérer la vacuité comme voie (lam du shor ba) c’est-à-dire à voir la vacuité comme un cheminement sur lequel on médite et qui aboutit à un résultat et le dharmakâya, considéré comme quelque chose d’autre, vers lequel on tend et sur lequel on médite intentionnellement.
– La déviation qui consiste à envisager la vacuité comme une antidote (gnyen par shor ba). C’est-à-dire méditer la vacuité comme antidote à des émotions qui seraient fondamentalement différentes d’elles et que l’on voudrait faire disparaître. La vacuité est l’essence même de toute pensée et de toute émotion.
– La déviation de la vacuité placage (rgyas ‘debs su shor ba). C’est la proposition nihiliste qui consiste à penser : « tout est vide, tout est concept, rien n’existe, il n’y a ni méditant ni méditation, etc. » On peut ainsi
• concevoir la vacuité comme l’absence de référence et
• faire de cette absence de référence une nouvelle
• référence conceptuelle.
(8) Les trois erreurs (gol sa gsum).
Elles consistent à s’attacher aux bonnes expériences méditatives de luminosité, de félicité et de non-conception, qui surviennent spontanément sur la voie, et à s’y fixer ou à les méditer intentionnelle-ment. C’est la cause de renaissance dans les trois mondes du samsara :
– S’attacher aux expériences de félicité fait renaître dans les états divins du monde du désir.
– S’attacher aux expériences de luminosité fait renaître dans les états divins du monde de la forme pure.
– S’attacher aux expériences de non-conception fait renaître dans les états divins du monde sans forme.
(9) Les quatre joies (dga’ ba zhi).
Ce sont quatre expériences ponctuelles de joies inhérentes à la vacuité et liées aux pratiques de la troisième initiation (initiation de sagesse). Elles s’appellent : joie (dga’ ba), joie sublime (mchog dga ), joie remarquable (khyaddga), joie innée (lhan skyes dga’).
(10) Les trois types d’agent (rkyen gsum).
L’expérience spirituelle à laquelle il est fait allusion ici n’est pas fabriquée par quelque type d’agent que ce soit :
– Les agents immuables (gyo ba medpa’i rkyen),
– Les agents transitoires (mi rtag pa’i rkyen),
– Les agents capables (nus pa’i rkyen).
(11) Les trois naissances (skye lugs gsum).
Elles incluent toutes les naissances samsâriques. Ce sont celles :
– du monde des désirs (‘dod khams),
– du monde de la forme pure (gzugs khams),
– du monde sans forme (gzugs med khams). Au-delà de ces trois naissances, il n’est plus d’existence samsârique.
(12) Les trois grands (chenpo gsum).
Cette expression peu courante peut se référer ici :
– Aux trois temps : passé, présent, futur ;
– Aux trois grands poisons de l’esprit qui sont l’attraction, la répulsion et l’ignorance.
(13) Les six consciences (tshogs drug).
Ce sont les six consciences correspondant aux six sens qui sont : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, et le sens interne ou mental (qui a pour objet les pensées).
(14) Chiné (pacification de l’esprit, shamatha en sanscrit) et lhaktong (vision supérieure, vipassyâna en sanscrit) sont les deux méditations fondamentales communes à toutes les écoles bouddhistes.
(15) Les superfétations (sgro ‘dogs) sont toutes les conceptions et projections surimposées à la réalité.
(16) Le voile de la connaissance objective (she bya’i seribna).
C’est le voile de la dualité (voile de la connaissance dualiste ou relationnelle) qui consiste en la perception de la triade : d’un sujet connaisseur, objet connu, et d’acte de connaissance. C’est la forme la plus subtile d’ignorance qui marque la nature de l’esprit.
(17) Les Claires lumières mère et fils (‘od gsal mabu).
La Claire lumière mère est la luminosité fondamentale, primordiale, auto-existante ; tandis que la Claire lumière fille correspond à différents types d’expériences lumineuses faites par le méditant dans sa pratique. Ces deux Claires lumières se rencontrent et fusionnent dans la réalisation définitive.
(18) Les deux voiles (sgribpa gnyis).
Ce sont des enveloppes masquant la nature véritable de l’esprit. On en distingue traditionnellement quatre (le voile de l’ignorance, le voile des tendances, le voile des passions, et le voile du karma) qui peuvent se résumer en deux qui sont :
1° Le voile de la connaissance objective (shes sgrib),
2° Le voile des passions (nyon mong pa’i sgrib pa).
(19) Les deux connaissances (mkhyen pa gnyis) primordiales.
Ce sont deux facettes de la connaissance éveillée d’un Bouddha (ye shes), connaissance immédiate transcendant la dualité sujet-objet :
– La première (dji ha ba mkhyen pa’i ye shes) est la connaissance primordiale qui comprend le mode d’être essentiel tel qu’il est. C’est une connaissance de l’essence unique de tout phénomène.
– La seconde (dji snyedpa mkhyen pa’i ye shes) est la connaissance primordiale qui comprend le mode d’être particulier de toutes les choses qui existent, ainsi que la connaissance de leur mode d’apparition dans la variété de leurs apparences. La première peut être considérée comme une connaissance verticale (connaissance de l’essence) et la seconde comme une connaissance horizontale (connaissan-ce des aspects multiples de cette essence).
(20) Les trois Corps du Bouddha (sku gsum).
Ce sont trois facettes de la bouddhéité :
– Le Dharmakàya (chos sku), Corps de vérité ou Corps absolu, est le corps sans forme et omniprésent du Bouddha. Il embrasse et pénètre tout et sa nature est au-delà de toute catégorie que l’esprit peut concevoir.
– Le Samboghakâya (longs sku), Corps d’expérience ou de jouissance parfaite. Ainsi appelé car il correspond à l’expression de tous les attributs et de toutes les qualités d’un Bouddha.
– Le Nirmanakâya (sprul sku), Corps d’émanation. C’est le Corps par lequel le Bouddha se manifeste dans le cycle des existences pour le bien des êtres.
(21) Sûtra (mdo) et tantra (rgyud) Les sûtras sont des textes rapportant les paroles du Bouddha. Ils constituent les textes de base du hînayâna et du mahâyana. Les tantras sont les textes de base du vajrayâna.