L’or raffiné de l’enseignement oral concernant la pratique de la façon de voir, de méditer et de se comporter selon le Maha-Mudra
Kunga Tenzin
Dans ce texte d’une grande concision, Kunga Tenzin, le grand maître Drugpa Kagyu du XVIIe siècle, expose avec simplicité et limpidité l’essence de la profonde voie du Mahamudra, tant dans ses préliminaires que dans sa pratique principale (vue, méditation et action). Mais Kunga Tenzin parvient également à montrer en quelques lignes que l’état ultime ou primordial n’est pas différencié quelle que soit la voie suivie par le pratiquant.
Hommage au Guru Prabhahara
Le Seigneur des Drugpa, l’union de tous les refuges sûrs
Qu’en union parfaite j’invoque maintenant sans relâche.
A toi qui veux établir un bon lien avec l’Enseignement,
De tout mon coeur, je l’expliquerai en quelques mots.
Maintenant que tu as obtenu un corps humain,
Il est extrêmement précieux de maintenir les trois vœux.
Si tu ne t’engages pas dans la pratique de l’Enseignement très pur
Dans cette vie où tu as obtenu un tel corps,
A l’avenir tu n’obtiendras pas une condition semblable.
Pour cela pratique maintenant circumambulations et prosternations.
Il n’est pas connu le moment où te rejoindra la mort ennemie,
Cette étreinte féroce du Seigneur Yama.
Alors que tu penses encore: “Je vais pratiquer l’Enseignement”,
La mort te rejoint.
Abandonne donc tout de suite la négativité et pratique la vertu.
A seulement entendre parler des souffrances des trois états d’existence misérable, ton coeur tremble :
Que ferais-tu si celles-ci te frappaient un jour ?
En pensant ainsi, évite la négativité comme du poison.
De la condition d’inéluctables souffrances dans la transmigration,
Les Trois Joyaux ont le pouvoir de t’offrir le refuge ;
Invoque-les donc en union parfaite et de tout ton coeur.
Considère tous les êtres des six états d’existence comme ta mère :
En effet, ils ont été tes parents dans l’enchaînement de tes nombreuses vies passées.
Puisqu’ils souffrent maintenant dans cette condition de transmigration,
Quelle que soit la pratique que tu fasses, dédie-la au bien de tous.
Puis, concentre-toi sur ton Maître, au-dessus de ta tête,
Tel un Seigneur orné des signes de sa condition,
Et, au fond du coeur, invoque-le avec ferveur.
Ainsi, il se dissout en lumière et s’intègre à ta conscience
Sans corriger cette condition, observe ton esprit.
Observe-le partout où il va,
A l’extérieur, à l’intérieur, et quand il ne se manifeste pas,
Et reste dans cette condition, sans correction.
On ne peut affirmer que l’esprit existe, car il n’a pas de substance ;
On ne peut affirmer non plus qu’il n’existe pas, car il pense quand même.
Parfois, l’esprit est immobile, parfois il bouge.
Observe-le avec attention, continuellement.
Cette essence vide de l’esprit est Amitabha, l’esprit-Dharmakaya.
Cette nature lumineuse et claire de l’esprit est Avalokitesvara, l’esprit-Sambhogakaya.
Toutes les pensées qui surgissent dans l’esprit sont Padmasambhava l’esprit–Nirmanakaya.
Quelle que soit la pensée ou l’impression liée aux cinq poisons qui surgissent.
Si tu en reconnais la nature, c’est un Bouddha des cinq familles.
Si l’esprit est clair, observe l’essence de la clarté,
C’est le Maha-mudra, l’union du vide et de la clarté.
Si l’esprit jouit, observe l’essence du plaisir,
C’est l’Ati-yoga, I’union du plaisir et du vide.
Si l’esprit est vide, observe la face même du vide.
C’est le Maha-Madhyamika, I’union du vide et de la connaissance.
Si l’esprit a peur, observe l’essence de celui qui a peur,
C’est l’enseignement sacré du Tcheu.
Si tu ne vois pas que l’esprit ait une quelconque substance,
C’est la Prajña-paramita, le vide de l’esprit.
Quand tu bouges, quand tu restes immobile, observe ton esprit.
Bouger et se tenir immobile sont la vraie pratique de la circumambulation.
Quand tu manges, quand tu bois, observe ton esprit :
Manger et boire sont le pur Ganachakra.
Quand tu es allongé, quand tu dors, observe ton esprit :
Dormir est la pratique de la claire lumière.
Quand tu te dédies à la profonde pratique du mantra et de la visualisation,
Le sens profond est d’observer l’esprit.
Si tu veux chasser les démons et les obstacles, tu les chasses en observant ton esprit.
Dans le moment présent, tu peux penser à quoi que ce soit,
Mais reste, au plus profond, dans la contemplation jusqu’à la mort.
Les discours et les scènes des gens du commun,
Les faits et gestes qui impliquent l’esprit,
Par tout cela ne te laisse pas distraire.
Telle est la pratique essentielle de la profonde contemplation.
Ne l’oublie pas et maintiens une claire présence.
Du haut de cette présence, gouverne-toi toi même :
Ainsi, de plus en plus, tu auras un contrôle parfait sur toi-même.
Familiarise-toi avec la pratique de la contemplation.
Si tu arrives ainsi à en allonger la durée,
Sa continuité ne sera pas interrompue et limitée à des périodes fixées.
Quel bon signe auspicieux quand elle s’écoule avec continuité
comme le cours central d’un fleuve.
L’enseignement oral, semblable à de l’or raffiné, du Khampa Nawang Kunga Tenzin Guelek Pel Sangpo, réincarnation de Karma Tenpel a été ainsi exposé aux heureux disciples, hommes et femmes, moines et laïcs.
Extrait de « Mahamudra » © Communauté Dzogchen, 1984