Mourez avant de mourir !
Cheikh Khaled Bentounès
Dans le soufisme, la maladie et la mort prennent le sens d’un retour vers l’Un et, comme l’explique le cheikh Khaled Bentounès, la mort est créatrice. Si nous savons vivre la mort, elle donne naissance à l’être que nous sommes vraiment. Le paradoxe n’est ici qu’apparent, il illustre notre méconnaissance fondamentale dans l’illusion que nous sommes sur la réalité de la vie et de l’être.
La maladie, un retour vers l’essentiel
Dans l’approche spirituelle qui se dégage à travers l’enseignement légué par le Prophète, la maladie elle-même trouve son sens. Elle nous aide dans notre propre recherche, dans notre interrogation sur ce que nous sommes, sur notre comportement, sur notre maturité. Elle devient parfois, par la souffrance qu’elle génère, le moyen du retour vers l’essentiel, le lien qui nous unit à Dieu. « Le gémissement du malade, disait le Prophète Mohammed, est une invocation qui le rapproche de Dieu ».
La maladie du corps – dont chacun de nous a fait l’expérience – n’est-elle pas un rappel de nos propres limites, de l’être éphémère que nous sommes, de notre faiblesse, de notre handicap de n’être que des êtres faits de chair qui naissent un jour pour mourir demain ? Et le Prophète Mohammed nous rappelle cette vérité essentielle : « Mourez avant de mourir », car c’est de la mort de l’ego, dont il est ici question, que renaît l’être spirituel.
Cette thérapie de l’âme préconisée par le Prophète nous invite à méditer sur la source de toute vie. La matrice d’où est né le vivant, propagé à travers l’univers, n’est autre que la projection de la manifestation de l’Unicité Divine et le miroir qui réfléchit Sa Présence. L’harmonie et l’équilibre, comme le chaos et la dégénérescence, procèdent d’une volonté, d’une dimension qui peut, par la Connaissance, se dévoiler à nous et nous livrer ses secrets. Le Prophète disait :
« Il y a dans chaque individu une force d’âme, une énergie qui, si elle était mise en mouvement, attirerait à elle tout l’univers ».
« Si tu es, Il n’est pas. Si Il est, tu n’es pas.»
C’est vers cette voie que l’enseignement ésotérique Mohammadien dirige la quête spirituelle. Elle puise sa lumière et sa guidance dans la méditation des quatre-vingt-dix-neuf attributs divins, symboles des Noms d’Essence, de qualités et d’actes inscrits dans chacun de nous.
En effet, la tradition nous révèle que dans le tracé des lignes de nos mains est inscrit un chiffre. Dans la main droite, en chiffre arabe, le nombre 18. Dans la gauche, le nombre 81, totalisant ainsi les quatre-vingt-dix-neuf Noms divins, dont le centième est l’être dans sa totalité, symboliquement représenté par le point ou le zéro.
Ces Noms sont agencés en parallèle avec les neufs dimensions qui constituent l’être : le mental, l’émotionnel, le structurel (le squelette), le système cardio-vasculaire, l’énergie vitale, le système nerveux héréditaire, le système musculaire, le système endocrinien et enfin le système immunitaire. Ce symbole est connu populairement sous la dénomination de la main de Fatma que l’on peint sur l’entrée des maisons ou que l’on porte aujourd’hui comme médaillon pour conjurer le mauvais sort et éloigner les influences négatives.
Bien que peu connaissent la signification réelle de ce symbole, il reste inscrit dans la mémoire collective. Les dix doigts représentent les neuf dimensions citées qui forment l’être et dont le dixième est la structure physique qui unit le tout :
« Il est moi en apparence, Il est Lui dans la réalité. »
C’est pour cela que les soufis disent :
« Si tu es, Il n’est pas. Si Il est, tu n’es pas».
Extrait d’un article paru dans la revue Nouvelles Clés
Exergue 1 : « Il y a dans le corps un morceau, le cœur, qui, s’il est pur, fait que tout le corps est sain. »