Soutra des montagnes et des eaux

Maître Dôgen

La Nature de Bouddha est absolue et omniprésente. Qui peut dire où elle n’est pas ? La vision pénétrante du Soutra des montagnes et des eaux nous introduit à la magie ordinaire de la nature non-duelle.

Ce traité est issu du Trésor de l’œil du Dharma Authentique, l’œuvre principale de Maître Dôgen (1200-1253), fondateur de l’école japonaise Soto du bouddhisme Zen.

I – Montagnes et eaux sont dans l’immédiateté de l’instant l’actualisation de la voie ancestrale du Bouddha. Chacune demeurant dans son expression phénoménale réalise la totalité. Parce que les montagnes et les eaux sont actives depuis des temps sans commencement, elles sont vivantes à cet instant. Parce qu’elles sont le soi avant que la forme n’émerge, elles sont la réalisation-libération .

II – Parce que les montagnes sont hautes et vastes, le moyen de chevaucher les nuages est toujours atteint dans les montagnes ; l’inconcevable pouvoir de s’élever dans les airs naît librement dans les montagnes.

III – Le prêtre Daokai du Mont Furong dit à l’assemblée :

« Les montagnes turquoises sont toujours en train de marcher ; la nuit une femme de pierre donne naissance à un enfant ».

Les montagnes ne manquent pas des qualités des montagnes. C’est pourquoi elles demeurent toujours à l’aise et toujours en marche. Tu devrais examiner en détail ces qualités propres aux montagnes qui marchent.

La marche des montagnes est exactement semblable à la marche humaine. Par conséquent ne doute pas de la marche des montagnes, même si cela n’a pas la même apparence que la marche humaine. Les mots des Bouddha ancestraux désignent la marche. Ceci est la compréhension fondamentale. Tu devrais pénétrer ces mots.

IV – Parce que les montagnes turquoises marchent, elles sont permanentes. Bien qu’elles marchent plus vite que le vent, personne dans les montagnes ne le réalise ou le comprend. « Dans les montagnes » signifie l’épanouissement de l’univers entier. Les gens qui vivent hors des montagnes ne réalisent pas, ne comprennent pas la marche des montagnes. Ceux qui n’ont pas d’yeux pour voir les montagnes ne peuvent réaliser, comprendre, voir ou entendre cela tel que c’est.

Si tu doutes de la marche des montagnes, tu ne connais pas ta propre marche ; ce n’est pas que tu ne marches pas, mais que tu ne sais pas ou que tu ne comprends pas ta propre marche. Si tu connaissais ta propre marche, tu devrais connaître parfaitement la marche des montagnes turquoises.

Les montagnes turquoises ne sont ni conscientes, ni inconscientes. Tu n’es ni conscient ni inconscient. A cet instant, tu ne peux pas douter de la marche des montagnes turquoises (…).

XI – L’eau n’est ni forte ni faible, ni mouillée ni sèche, ni mouvante ni immobile, ni froide ni chaude, ni existante ni non-existante, ni illusionnée ni éveillée. Lorsque l’eau se solidifie, elle est plus dure que le diamant. Qui peut la briser ? Lorsque l’eau fond, elle est plus douce que le lait. Qui peut la détruire ? Ne doute pas que ce sont-là les caractéristiques manifestées par l’eau. Tu devrais réfléchir au moment où tu vois l’eau des dix directions comme l’eau des dix directions. Ceci ne consiste pas seulement à étudier le moment où les humains et les êtres célestes voient l’eau. Ceci consiste à étudier le moment où l’eau voit l’eau. Ceci est une compréhension complète. Tu devrais aller en avant et en arrière et bondir au-delà du passage de la vie où l’autre pénètre l’autre (…).

XII – Il y a des montagnes cachées dans des trésors. Il y a des montagnes cachées dans des cloaques. Il y a des montagnes cachées dans le ciel. Il y a des montagnes cachées dans les montagnes. Il y a des montagnes cachées dans ce qui est caché. Ceci est la compréhension complète.

Un ancien Bouddha dit « Les montagnes sont les montagnes, les eaux sont les eaux ». Ces mots ne signifient pas les montagnes sont les montagnes ; ils signifient les montagnes sont les montagnes.

Par conséquent examine les montagnes profondément. Lorsque tu examines profondément les montagnes, ceci est l’œuvre des montagnes.

De telles montagnes et rivières d’elles-mêmes deviennent des personnes intelligentes et sages.

À l’heure du rat, le dix-huitième jour du dixième mois, première année de Ninji (1240), ceci fut enseigné à l’assemblée du monastère de Kannondori Kosho Horin.

Extrait de Dharma Rain – sources of bouddhist environmentalism, Ed. Shambhala 2000

Traduction de l’anglais de Lama Lhundroup.

 

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