La jñana dakini Sukhasiddhi
En Inde, au cachemire il y avait trois millions six cent mille villes. La ville en question était située dans l’est et s’appelait « Kasmir ». Dans cette ville habitait une famille de huit personnes très pauvre et misérable : un couple avec trois fils et trois filles. Comme il ne restait plus de provisions, ils mirent de côté le dernier pot de riz avant de pouvoir le manger. Puis ils se décidèrent d’aller en quête de nourriture. Les trois fils vers le sud, les trois filles vers le nord et le père vers l’ouest. Un jour un homme très pauvre vint chez la mère pour mendier de la nourriture. Elle ouvrit le pot de riz, le fit cuire et lui donna. Le père, incapable de trouver de la nourriture, pas loin de l’épuisement pensa : “ il me faut rentrer pour manger le pot de riz et après je poursuivrai ma recherche ” et il retourna. Les trois fils et aussi les trois filles rentrèrent sans rien avoir trouvé.
Ainsi rentrèrent-ils tous en même temps. Ils dirent : “ maintenant mère, ouvrez-nous le pot de riz et préparez-nous le car nous sommes épuisés et accablés de misère ”. La mère répondit : “ je pensais que vous reviendriez une fois trouvé à manger, aussi lorsqu’il vint un homme très misérable et accablé qui mendia de la nourriture je lui ai donné. Il ne reste plus rien ”.
D’une seule voix son mari, ses trois fils et ses trois filles répliquèrent :
“ Tu as dû faire cela déjà avant, en nous privant de notre confort. Aussi, maintenant va chercher ta nourriture et ne reviens plus car tu as gaspillé tout ce qu’on a économisé! Va-t-en ! ”. Et ils la jetèrent de la maison.
La vieille quitta le pays du Cachemire et alla dans l’est vers Uddiyana, parce qu’on dit des habitants d’Uddiyana que tous les hommes sont des dakas et toutes les femmes des dakinis, et que le fait seul d’y aller rend l’esprit automatiquement plus intelligent. Comme c’était le temps de récolter le riz et de le rassembler, elle put en obtenir un sac qu’elle emporta dans une ville où elle devint vendeuse d’alcool (de riz).
A la même époque, le maître Virupa, autrement nommé Avadhutipa pratiquait, en compagnie de sa moudra Avadhutima, l’action secrète dans une forêt d’Uddiyana. Tous les jours la yogini allait acheter de l’alcool. Or il se trouvait parfois qu’elle en acheta chez la vieille vendeuse qui lui vendait uniquement du bon alcool, meilleur que tous les autres.
Un jour, la vieille demanda : “ Yogini, à qui portez-vous l’alcool que vous achetez ?
La yogini répondit : “ Un yogi excellent vit là-bas dans la forêt, et je le lui porte. ”
La vieille répliqua : “ Alors je ne veux pas que vous me payiez l’alcool ” tout en lui donnant un alcool doublement distillé.
Virupa demanda à la yogini d’où venait cet alcool pour lequel il n’est pas besoin de payer.
“ D’une vendeuse d’alcool différente des autres qui a la foi car, quand je lui ai dit que je le portais à mon bon lama qui habite au milieu de la forêt, elle eut la foi et me l’a offert.
Virupa dit alors : “ Yogini, il me faut par tous les moyens libérer cette vieille femme du cycle des trois mondes. ”
La yogini [retourna chez la vieille] et lui dit : [“ Mon lama Virupa m’a dit d’amener la vendeuse d’alcool pour qu’il la guide au dehors des lieux du samsara.] Voulez-vous venir avec moi ? ”
La vieille en eut très envie et partit pour rencontrer Virupa emportant une cruche d’alcool avec de la viande de porc.
Le jour même, Virupa lui conféra au complet les quatre initiations de la pratique secrète au chakra du nombril, et lui enseigna les phases de création et d’achèvement avec la pratique secrète et aussi l’activité de contrôle. Ce jour même elle devint une dakini de sagesse.
Lorsqu’elle fut rejetée par son mari et ses enfants et qu’elle quitta le Cachemire elle avait cinquante neuf ans. Lorsqu’elle arriva à Uddiyana où elle devint vendeuse d’alcool, elle en avait soixante. Et quand elle rencontra Virupa de qui elle reçut les initiations, elle en avait soixante et un. Puis, du fait d’avoir obtenu en une seule nuit l’accomplissement, son corps de maturation, qui avait soixante et un ans, fut purifié spontanément et devint un corps d’arc-en-ciel. Son corps fut très blanc et en pleine force de l’adolescence. Ses cheveux en chignon tombèrent le long de son dos. Elle devint belle comme une jeune fille de seize ans qu’on ne se lasse pas de regarder. Elle s’assit dans le ciel à une hauteur de sept arbres tala. Elle fut appelée la dakini Soukhasiddhi qui possède des pouvoirs miraculeux. Elle était réellement devenue la bhagavati Nairatma et devint l’épouse secrète de Virupa [qui fut indifférencié de Hevajra].
Son départ [en Nirvana] étant indéfini, elle s’engagea durant les six périodes [du jour] de considérer tous les êtres des trois mondes avec son regard de sagesse. De plus, elle enseigne le Dharma à ceux qui ont la Vue pure, elle bénit directement ceux qui pratiquent sa pratique secrète et qui lui adressent des prières, et leur accorde les accomplissements suprêmes et ordinaires.
“ C’est pour cette raison.que moi, le yogi Kyoungpo, je fus très inspiré rien qu’en entendant le nom et la vie de cette dakini de sagesse. Profondément motivé par la graine de la foi, je partis à sa recherche dans toute l’Inde. Finalement je la vis de loin dans une forêt d’arbres de santal médicinal, assise dans le ciel à une hauteur de sept arbres tala, au centre d’un tourbillon d’arcs-en-ciel et entourée d’innombrables dakinis.
Je lui demandai les instructions authentiques en lui faisant offrande de cinq cents onces d’or. Elle me conféra au complet les quatre initiations non-communes de la pratique secrète et me donna les phases de création et d’achèvement [de la pratique secrète], les six yogas avec les instructions orales. Plus particulièrement elle me donna des instructions suprêmes qui peuvent conduire quelqu’un à l’état de Bouddha en un an ou un mois et toutes les instructions du tantra-mère.
De mes quatre Lamas racines (Nigouma, Râhoula, Bépaî Néldjor et Soukhasiddhi), celui qui avait le plus de bonté fut Soukhasiddhi. Sa première bonté fut de me faire de nombreuses prédictions ; la deuxième, d’être devenue mon épouse secrète et de me faire obtenir les quatre initiations ; la troisième fut de m’accorder toutes les initiations et pratiques avec les instructions orales. Et encore sa très grande bonté fut de ne s’être jamais séparé de moi, que je fusse en Inde ou au Tibet (de me conférer continuellement les quatre initiations et de m’enseigner sans interruption les instructions essentielles du mantra secret.)
Aussi, les générations futures qui pratiqueront cette pratique secrète la réaliseront. ” Ainsi le dit-il.
Lama Motchokpa dit : “ Lorsque je pratiquais à Dingma, [je vis la face de Soukhasiddhi pour la première fois. Elle me conféra alors les quatre initiations au complet, m’enseigna le Dharma extensivement. Une autre fois, lorsque je fus de retour dans les rochers de Motchok et que j’y pratiquais] Soukhasiddhi vint et me fit de nombreuses prédictions, après quoi elle me dit qu’à partir de là elle ne se séparerait plus jamais de moi. ”
Lama Kyèrgangpa dit : “ Lorsque j’allai à Lhassa Trulnang, Soukhasiddhi m’enseigna la phase d’achèvement avec les exercices physiques. Elle me dit que continuellement elle me conférera les quatre initiations au complet et qu’elle ne se séparera jamais de moi, ne serait-ce qu’un instant. ”
Sangyé Nyènteunpa dit : “ A l’époque où j’habitais quelque grotte à Kyèrgang, lorsque le blé était sorti, je vis la face de Soukhasiddhi : “ Laisse la cognition libre de support [yogi] ! ” me dit-elle trois fois. Jusqu’à aujourd’hui constament j’ai vu sa face. J’ai reçu d’elle les quatre initiations et toutes les instructions suprêmes et elle me fit de nombreuses prédictions [e.a.] dont celle où je serai un yogi maîtrisant les trois portes de la libération. Vous, mes fils disciples, si vous désirez devenir Bouddha en un an ou un mois, installez-vous dans un endroit solitaire et pratiquez cette pratique secrète [en secret].
Extrait de Hagiographie de Nigouma et Soukhasiddhi, Ed Yogi Ling, 1997.
Exergues :
« La vieille quitta le pays du Cachemire et alla dans l’est vers Uddiyana »
« Virupa lui conféra au complet les quatre initiations de la pratique secrète au chakra du nombril »
« Elle devint belle comme une jeune fille de seize ans qu’on ne se lasse »
« De mes quatre Lamas racines, celui qui avait le plus de bonté fut Soukhasiddhi »