Interview de Djamgoeun Kongtrul Rinpoché
– Pour tous les lecteurs de Dharma, disciples de Rinpoché, pratiquants Kagyupa, j’aimerais vous demander de donner quelques conseils et quelques explications sur la signification de la situation ; comment vivre le parinirvâna de Rinpoché ?
– Djamgœun Kontrul Rinpoché : Le départ de Kalou Rinpoché est une chose très très triste, car Rinpoché était l’un des plus grands maîtres, et le plus ancien de notre lignée. C’est l’un des principaux maîtres qui restaura le Bouddha-Dharma de nos jours, c’est donc une très grande perte pour nous.
Mais nous savons qu’une fois nés, nous sommes sujets à la mort. Le Bouddha Shakyamuni, tous les grands bodhisattvas, montrèrent aussi ce passage au-delà ; cela montre particulièrement que tout est impermanent, et cela fait comprendre aux gens la futilité du samsâra. Nous parlons en ce moment du départ de Kalou Rinpoché lui-même. Il est libre de la mort, libre de l’impermanence, du point de vue de l’esprit.
Ce que nous devons comprendre est que même si Rinpoché a quitté son corps, l’esprit de Rinpoché est toujours en nous, pour autant que nous pouvons le comprendre. Cela ne fait pas de différence qu’il soit vivant ou pas. Son état de Dharmakâya est indestructible, immuable, toujours là. Donc en fait, actuellement, il y a toujours le Dharmakâya et si quelqu’un l’on peut faire des prières intenses, développer la dévotion, c’est le meilleur moment pour recevoir l’influence spirituelle. Car, habituellement, lorsqu’il a une forme physique, nous avons dans l’idée qu’il est une personne, nous avons toujours cette sorte de sentiment de dualité (entre le sujet et l’objet). Peu importe la dévotion que l’on peut avoir, ou la confiance, c’était toujours quelqu’un de différent de nous. Mais maintenant, en l’état de Dharmakâya, il n’en est pas ainsi … Je pense que c’est ce que nous devons faire maintenant ; et puis, en ce qui concerne le futur, Kalou Rinpoché reviendra en une nouvelle réincarnation. Cela ne fait pas de différence : il change seulement de forme. C’est le même esprit qui revient, donc pour ses disciples.
– Ce que vous dites là pour maintenant signifie que vous encouragez les disciples à pratiquer le lamai-nèldjor ?
– Oui, tout à fait. Pratiquez le lamai-nèldjor.
– Vous parlez du retour de Rinpoché …, auriez-vous quelque chose à dire ? Il y a une prédiction à ce sujet faite par Kalou Rinpoché lui-même, vous avez peut-être entendu parler de cela. Pensez-vous que ce soit une sorte d’indication ?
– Oui. Oui. C’est une indication. Cela ne fait pas de doute. Il sera reconnu. C’est une indication qui dit que Rinpoché renaîtra à nouveau.
– Vous êtes une émanation de Kontrul Rinpoché. Kalou Rinpoché fut aussi reconnu comme une émanation de Kontrul Rinpoché. Comment ressentez-vous le départ de Rinpoché : perdez-vous une part de vous-même ?
– … En fait, de nombreuses personnes m’ont posé cette question. (rires) Je voudrais juste dire que je me sens triste …, mais quand on parle des émanations de Kontrul Rinpoché, on ne parle pas de son corps physique, des différents corps physiques des différentes émanations. L’émanation fondamentale est celle de l’esprit de Djamgœun Kontrul. Donc, en ce qui concerne son esprit, il ne peut mourir, il est libre de ce genre de choses. Différents corps physiques sont des émanations de l’esprit de Djamgœun Kontrul. Cela ne peut mourir. Rinpoché a seulement quitté son corps. Ainsi, même les corps des Bouddhas et des bodhisattvas, sous cette forme humaine, sont le regroupement de plusieurs éléments et sont sujets à la destruction, à la perte, à la séparation. C’est ce que l’on appelle la production conditionnée. Ce ne sont que des choses matérielles. D’un point de vue spirituel, ça n’a pas tellement d’importance. Je ne sens pas vraiment que j’ai perdu une partie de moi-même (rires), mais je sens très intensément que Rinpoché reviendra.
– Pendant quarante-neuf jours, il y a de nombreuses puja, la participation de nombreuses personnes. Beaucoup s’en demandent le sens, car si nous comprenons que Rinpoché était libre de l’impermanence, pourquoi célébrer les divinités du bardo ?
– En fait, nous ne faisons pas cela pour Rinpoché. Quand des grands lamas meurent, nous faisons des puja pendant quarante-neuf jours. Quarante neuf jours car les êtres ordinaires restent dans le bardo pendant cette durée de temps. Rinpoché et les grands maîtres sont libérés de cela. Mais c’est traditionnel de procéder ainsi. Ce n’est pas particulièrement pour Rinpoché, mais plutôt pour les êtres en relation avec Rinpoché. C’est pour eux que nous célébrons les divinités du bardo. Nous ne le faisons pas pour Rinpoché car il est libéré des six mondes, mais pour les êtres liés à lui. Rinpoché est dans le Dharmakâya (quel que soit le nom que vous lui donnez), et de ce fait cela peut vous procurer plus de bienfaits. En tibétain, cela s’appelle gongdzo : accomplissement des souhaits. Aussi, en faisant ces prières, cela aide les êtres liés à Rinpoché. Accomplir les souhaits de Rinpoché leur est utile.
– Pour nous, ses disciples, quel sera le meilleur moyen de combler ses souhaits ?, Que pouvons-nous faire, pour le mieux ?
– Tous les disciples de Rinpoché ont reçu des enseignements de Rinpoché. Donc, il doivent pratiquer, ne pas oublier cela. Ceux qui ont des conseils ou des instructions personnelles de Rinpoché les mettent en application. Dans les enseignements, on dit que la meilleure offrande qui comble les souhaits du lama est la pratique : pas les choses matérielles … bien sûr les offrandes matérielles aussi, mais surtout la pratique du Dharma. Pratiquer le Dharma signifie pratiquer en étant assis, et aussi travailler pour le Dharma, pour le bien et le bonheur des autres. Rinpoché a établi de nombreux centres du Dharma, donc continuez ses activités. C’est cela gongdzo.
– Je vous remercie, Rinpoché.