Gautama et le physicien poète

Gautama et le physicien poète

Michel Berry

Cherchant, selon l’usage, un exergue pour ce texte qui se propose d’évoquer brièvement quelques isomorphismes entre la démarche du mystique et celle du physicien, je ne pouvais guère m’adresser qu’à un poète. Le choix a été vite fait, et c’est à Saint John Perse que je confie la balle de service :

« Et toi qui sais, Songe incréé, et moi qui ne sais pas, que faisons-nous d’autre sur ces bords que de poser ensemble nos pièges pour la nuit ? »

De l’observation à la connaissance

Le bouddhisme est né d’une observation, d’une analyse, d’une intuition et d’une méthode :

— Une observation : ce fut la prise de conscience par Gautama de l’existence de la souffrance.

Le jeune prince qui, depuis sa naissance, avait été tenu à l’écart de tous les spectacles affligeants, découvrit un jour fortuitement les effets de la misère, de la maladie, de la décrépitude et de la mort, et il résolut de consacrer sa vie à la suppression de la souffrance.

— Une analyse : il s’agissait de déterminer les causes de la souffrance. Pour tenter de le faire, Gautama quitta son palais et sa famille, et mena pendant sept années une vie d’ascète auprès des sages. Mais son investigation resta vaine.

— Une intuition : renonçant alors aux mortifications, il se mit en méditation au pied d’un arbre, dont le descendant existe encore à Bodhgaya, et découvrit intuitivement ce que ses longues recherches ne lui avaient pas permis d’obtenir : la cause de la souffrance.

— Une méthode : ce fut la voie de la suppression de la souffrance, qu’il enseigna à ses disciples.

Il est patent que la voie ainsi balisée par Gautama est celle qu’ont suivie les physiciens des siècles ultérieurs pour l’établissement de leur science. Pris parmi d’innombrables autres, l’exemple suivant est particulièrement démonstratif. A la fin du dix-neuvième siècle, une expérience, devenue célèbre, sur la propagation de la lumière, mit en évidence une contradiction entre les résultats obtenus et ceux que permettaient de prévoir les théories qui faisaient autorité. L’analyse systématique de ce phénomène ne permit pas de mettre en évidence les causes de la contradiction. Cela mit la science, au début de ce siècle, dans une situation des plus inconfortables.

C’est alors qu’Albert Einstein eut une intuition géniale, qui le conduisit à postuler la relativité des concepts d’espace et de temps, ce qui lui permit de proposer une méthode de description de la réalité qui gommait la contradiction.

On retrouve ici, très clairement, la démarche de Gautama :

— Une observation : l’existence d’une contradiction (qui fait souffrir le physicien).

— Une analyse : l’étude des causes possibles de cette contradiction.

— Une intuition : l’hypothèse de la relativité.

— Une méthode : l’établissement d’une théorie conduisant à la suppression de la contradiction (et de la souffrance du physicien).

L’exemple d’Albert Einstein est particulièrement intéressant pour notre propos parce que, si ce physicien appuya ses premières théories sur ce qu’il appela « la confirmation extérieure », il en vint à les fonder sur « la perfection intérieure », c’est-à-dire que, sans remettre en cause la nécessité d’une expérimentation confirmant la théorie, il se convainquit que cette confirmation ne faisait qu’exprimer la perfection propre de celle-ci, c’est-à-dire ouvrait la voie à une compréhension plus profonde de l’univers, bien au-delà des mises en question et des preuves.

Gautama, en proposant une méthode pour la suppression de la souffrance, n’avait-il pas, lui aussi, un objectif plus large qui, transcendant la souffrance et la suppression de la souffrance, devait nécessairement conduire l’homme à l’illumination, c’est-à-dire à la connaissance qui transcende le savoir.

Ainsi, le bouddhisme fut-il établi sur les bases et avec les critères de ce qui allait devenir la physique. Son point de vue fut et reste strictement empirique : c’est notre expérience consciente immédiate qui est notre seule certitude; son développement exclut toute cogitation et tout dogmatisme. C’est ainsi que le Bouddha parla très peu de l’illumination et se consacra plutôt à l’exposé des techniques permettant de la réaliser.

De la substance à l’élément

La tradition brahmanique, qui a précédé le bouddhisme en Inde, repose sur les Védas et les Upanishads. Elle est essentiellement fondée sur une conception du réel comme substance permanente. L’objet a une substance en soi, immuable, qui en constitue l’essence. Cette doctrine conduit, en ce qui concerne l’homme, à la croyance en un principe permanent ou âme.

Le bouddhisme va s’élever contre cette vue. Le caractère principal de l’abhidharma, la base doctrinale du hinayana, est sa prise de position contre la substance et la croyance en la réalité des éléments qui la constituent.

Par substance, il faut entendre entité permanente, matérielle ou spirituelle. La négation de la substance signifie qu’un objet ou une individualité n’a pas d’existence en soi. Toute substance matérielle ou mentale est un agrégat impermanent d’éléments qui, seuls, sont doués de réalité. Un élément (dharma  dans la terminologie bouddhique) est l’ultime entité dans le domaine de la matière et dans le domaine du mental.

Selon l’abhidharma, les éléments seuls sont réels. Les objets et les êtres, qui sont des agrégats, peuvent être dits irréels, ce sont des apparences qui n’ont pas de réalité en dehors de leurs constituants. L’existence est l’émergence et la disparition d’états matériels et mentaux.

Les éléments sont classés selon les facultés cognitives (la vue, le goût, l’ouïe, l’odorat, la faculté de l’intellect ou conscience), leurs objets (couleur et forme, son, odeur, tact, objets non sensibles) et les six consciences correspondantes (consciences visuelle, gustative, auditive, olfactive, tactile, non sensible).

Le passage de la substance à l’élément comme matériau ultime de la réalité évoque immanquablement la naissance de la théorie atomique. La matière est alors reconnue être composée d’atomes de divers types (une centaine), eux-mêmes construits à partir de trois éléments : protons, neutrons, électrons, qui constituent les briques primordiales de l’univers.

La substance matérielle, sous sa forme macrocosmique ou microcosmique, a perdu sa réalité au profit de ses constituants, seuls doués de permanence.

Ainsi, au début du vingtième siècle, la théorie atomique était-elle devenue l’abhidharma  de la physique.

De l’élément à la vacuité

A côté de l’abhidharma, fondement du hinayana, sont apparues dès l’origine du bouddhisme des écoles qui ouvrirent la voie au mahayana, lequel fut fondé sur le madhyamaka  de Nagarjuna :

— Le brahmanisme postulait l’existence d’une âme, d’un soi, indépendant des états mentaux.

— L’abhidharma postulait l’existence des états mentaux indépendants de toute entité.

– Le madhyamaka rejette conjointement ces deux vues et adopte la « voie du milieu » : l’ego dépend des états psychiques et les états psychiques dépendent de l’ego. Ni l’un ni les autres n’ont d’existence propre. Ils sont en relation d’interdépendance et n’existent que l’un par rapport à l’autre. La substance dépend des éléments et les éléments de la substance.

D’une façon générale, le madhyamaka préconise la voie du milieu entre les composantes des couples de contraires qui ne sont que des vues de notre esprit. Le Bouddha ne refusa-t-il pas de répondre aux quatorze questions qui sont appelées dans ses dialogues les inexprimables (ayakrita) :

– Si le monde est éternel, ou non, ou les deux, ou ni l’un ni l’autre.

– Si le monde est fini, ou non, ou les deux, ou ni l’un ni l’autre.

– Si le Bouddha existe après la mort, ou non, ou les deux, ou ni l’un ni l’autre.

– Si l’âme est identique au corps ou différente de lui.

Ces couples de contraires, tout comme la substance et l’élément, n’ont pas d’existence propre, ils sont des vues qui nous éloignent de l’appréhension immédiate de la réalité, la réalité qui ne peut être exprimée par la postulation ou le rejet d’une quelconque caractéristique :

« Les choses tirent leur existence et leur nature d’une mutuelle dépendance et ne sont rien en elles-mêmes. »
NAGARJUNA

« Alors Indra, s’adressant au Bouddha, lui dit : « Vénérable, comment Sariputra a-t-il enseigné sans erreur l’essence des choses ?
Le Bouddha lui répondit : « Formes et toutes autres désignations ne sont que des noms. Ces noms sont leur essence (elles n’en ont point d’autres). »
PRAJNAPARAMITA

« Subhuti, le Tathagata dit que les particules de poussière ne sont pas réelles, mais sont simplement appelées particules de poussière. Le Tathagata dit que l’univers n’est pas réel, mais qu’il est simplement appelé univers. »
SUTRA DU DIAMANT

« Réalité, c’est ne pas penser à l’être et au non-être, c’est ne pas penser au bien ou au mauvais, c’est ne pas penser à être limité ou à ne pas être limité, c’est ne pas penser à des mesures ou à des non-mesures. »
SHEN HUI

C’est pour marquer l’absence de caractéristiques propres des choses, leur irréalité résultant de leur interdépendance, que le madhyamaka emploie le mot sunyata que l’on traduit par vacuité. Le vide bouddhique est l’absence de caractéristiques propres aussi bien des agrégats que des éléments, aussi bien de la conscience que de ses objets :

« En rejetant les idées telles que la nature dualiste du bon et du mauvais, nous atteignons un état dans lequel tous les opposés sont vus comme vides. »
HUI HAI

« Les choses sont les choses à cause du mental. Le mental est le mental à cause des choses. Si vous voulez savoir ce qu’ils sont l’un et l’autre, ils sont originellement le vide. »
SENG TS’AN

Une évolution parallèle à celle du bouddhisme se produisit dans la physique, au début du vingtième siècle, sous l’impulsion du physicien danois Niels Bohr. Bohr, introduisant en physique le concept de complémentarité, provoqua dans la forteresse des certitudes post-médiévales une fissure où, dans le sillage du physicien Wolfgang Pauli, ne tarda pas à s’engager Carl Gustav Jung. Bohr montra que la réalité peut se manifester sous deux aspects – dits par lui complémentaires – inconciliables et irréductibles l’un à l’autre :

« Les résultats obtenus sous différentes conditions expérimentales ne peuvent pas être compris par une image d’ensemble, mais doivent être considérés comme complémentaires, en ce sens que c’est seulement la totalité des phénomènes qui rend exhaustive l’information possible sur les objets. »
NIELS BOHR

Par exemple, la matière (ou la lumière) peut se montrer, dans certaines expériences, continue, et, dans d’autres, discontinue.

Continuité et discontinuité sont deux aspects de la matière (ou de la lumière) qui dépendent de la façon dont nous la regardons mais qui n’en sont pas des caractéristiques propres.

On ne peut évoquer la matière (ou la lumière) que par le rejet des deux caractéristiques de continuité et de discontinuité.

Telle est la voie du milieu, où s’engagea la physique sous la houlette de Niels Bohr, ce Nagarjuna des temps modernes.

Une conséquence de cet état de choses est qu’un phénomène microphysique et le dispositif d’observation du physicien sont en relation d’interdépendance et ne peuvent être considérés comme ayant une réalité intrinsèque :

« Si vous regardez la lumière, elle est particule, sinon, elle est onde. »
RICHARD FEYNEMANN

« Nous n’observons pas la nature elle-même, mais la nature soumise à notre mode de questionnement. »
WERNER HEISENBERG

« Une réalité indépendante ne peut être attribuée ni aux phénomènes, ni aux dispositifs d’observation. »
NIELS BOHR

Niels Bohr ne reprend-il pas terme pour terme ce qui est rappelé ci-dessus de Nagarjuna (les choses tirent leur existence et leur nature d’une mutuelle dépendance et ne sont rien en elles-mêmes) ?

De la vacuité à la plénitude

Si, selon le madhyamaka, les caractéristiques de l’objet sont actualisées par le regard et ne lui appartiennent pas en propre, il n’en résulte pas que l’objet soit considéré comme un pur rien.

La conception de la vacuité n’est pas une conception nihiliste :

« Les choses sont inexistantes parce que leur existence dépend de causes et de conditions, mais elles sont non inexistantes parce qu’elles s’élèvent de ces conditions. »
NAGARJUNA

Le réel est plénitude d’être et vacuité de caractéristiques. Les caractéristiques résultent de l’appréhension du réel par la conscience. Le vide est la plénitude vue.

Or la plénitude est vue comme forme, d’où la fameuse assertion du Sûtra du cœur :

« O, disciple, Sariputra, la forme n’est pas différente du vide ; le vide n’est pas différent de la forme. »

Bien entendu, la répétition n’est pas redondance : voir le vide comme forme, c’est du dernier banal ; voir la forme comme vide demande un certain regard. Cela va sans dire et va mieux encore lorsqu’on le dit, ce que fait le Sûtra du diamant :

« Si toutes les formes sont vues comme vides, l’Absolu sera perçu. »

Ce regard ouvre la voie royale, rappelle Karmapa Randjoung Dordjé :

« Ceci [la nature de l’esprit] n’étant pas réalisé
La ronde  samsarique tourne,
Ceci réalisé, bouddha n’est ailleurs. »

L’Absolu, lorsqu’il est ainsi perçu, n’est  autre que la représentation que nous en donne notre psychisme :

« En aucun cas, ne fais de distinction entre l’Absolu et le monde sensible. »
HUANG PO

« L’univers vu comme un tout est l’Absolu ; vu comme un processus, il est le phénoménal. En considération des causes et des conditions constituant tous les phénomènes, nous appelons ce monde le monde phénoménal. Ce même monde, quand on ignore les causes et les conditions, c’est-à-dire le monde considéré comme un tout, est appelé l’Absolu. »
NAGARJUNA

On peut discerner un étroit parallélisme entre la conception bouddhique de la plénitude et de la vacuité et le modèle d’univers proposé par le physicien anglais David Bohm.

Bohm considère l’univers comme une totalité indivise, indivise en ce sens que chacun des éléments qui la constituent interagit avec tous les autres. Il en résulte que chacun de ces pseudo-éléments dépend de tous les autres, ce qui le frappe d’irréalité. Seule la totalité est réelle ; elle est plénitude. Tout clivage de la totalité provoque l’apparition de deux subtotalités qui sont dépourvues de réalité et de caractéristiques propres puisque chacune est inextricablement liée à l’autre.

« Au bout du compte, il faut concevoir l’univers entier (avec toutes ses particules, y compris celles qui constituent les êtres humains, leurs laboratoires, leurs instruments d’observation, etc.) comme une totalité indivise dont l’analyse en éléments existants, séparés et indépendants, n’a aucun statut fondamental. »
DAVID BOHM

Ces subtotalités ont une autonomie relative, ce qui est conforme à ce que nous disait plus haut Nagarjuna. Le psychisme de l’observateur, qui en est partie intégrante, appréhende la totalité indivise (ou du moins ce qu’il en reste lorsqu’il s’en est séparé en la prenant pour objet) comme une image explicite de la réalité implicite. Il y a donc dans l’univers deux ordres : celui de la réalité explicite et celui de la réalité implicite. L’explicite, qui est vide de caractéristiques propres, n’est pas autre chose que l’implicite lorsqu’il est appréhendé par la conscience. Retour au Sûtra du cœur : le réel ne peut être vu que comme irréel, c’est-à-dire comme vide, au sens de Nagarjuna.

De la parole au silence

Le bouddhisme reconnaît l’existence de deux vérités, la vérité relative et la vérité absolue. Le relatif étant l’expression de l’absolu, c’est-à-dire le résultat de l’appréhension de l’absolu par la conscience, il est clair que la parole, qui concrétise la séparation radicale du sujet et de l’objet, exprime ce qui est appréhendé par la conscience, le relatif, et non ce qui est, l’absolu.  Le sujet conscient n’a plus en face de lui que ce qui reste de l’absolu quand il s’en sépare. L’enquête est viciée dans son principe ; on nous le fait bien savoir :

« Vous ne pouvez utiliser le mental pour chercher ce qui est le mental. »
HUANG PO

« Si vous agissez sur votre mental avec votre mental, comment pouvez-vous éviter une immense confusion. »
SENG TS’AN

Le Bouddha était un jour entouré de ses disciples sur le Mont des Vautours. Au lieu de leur exposer verbalement sa doctrine, comme ils attendaient qu’il le fasse, il se contenta de tendre vers eux une fleur qu’on venait de lui offrir. Seul Mahakasyapa comprit le sens de ce geste et sourit à son maître qui proclama solennellement :

« J’ai le plus précieux trésor, spirituel et transcendantal, qu’en ce moment je te transmets, vénérable Mahakasyapa. »

Tout l’enseignement du bouddhisme repose en cette fleur, en ce geste et en ce sourire, car telle est l’ultime expression de l’inexprimable.

Las ! C’est en ce point précis que notre compagnon le physicien va devoir nous quitter (ou changer de casquette).

De la physique à la poésie

L’attitude du Bouddha sur le Mont des Vautours n’est pas transposable dans un laboratoire. La raison en est toute simple, elle a été clairement formulée par l’un des plus grands maîtres de la physique contemporaine :

« Nous n’avons pas encore réussi à élaborer une perspective du monde sans retirer de lui notre mental, producteur de l’image du monde, si bien que le mental n’y a pas de place. »
ERWIN SCHROEDINGER

Le physicien devra alors se taire – mais alors il ne fera plus de physique – ou bien se reconvertir dans la voie qu’ont tracée deux autres de ses grands aînés :

« La science signifie un effort constant et un développement en progrès continuel vers un but que l’intuition poétique peut appréhender, mais que l’intellect ne peut jamais complètement saisir. »
MAX PLANCK

« Le langage des images est probablement la seule voie d’approche vers l’Un. Si l’harmonie d’une société repose sur une conception commune de l’Un, le principe unitaire derrière le phénomène, alors, le langage de la poésie est peut-être plus important que celui de la science. »
WERNER HEISENBERG

Certes, le poète, comme le physicien, parle, mais sa parole, ce peut être, comme l’a évoqué René Daumal « cette absolue parole non parlée » :

« Je ne veux plus me retenir des erreurs de mes doigts, des erreurs de mes yeux. Je sais maintenant qu’elles ne sont pas que des pièges grossiers mais de curieux chemins vers un but que rien ne peut révéler qu’elles. »
LOUIS ARAGON

« L’un seul reste, le multiple change et passe. »
SHELLEY

« La nature qui, sur l’invisible, met le masque du visible est une apparence corrigée par une transparence. »
VICTOR HUGO

« Je remonte à la source où cesse même un nom. »
PAUL VALERY

« C’est en de tels instants que nous absorberons tout, que nous avalerons Dieu, pour en devenir transparents jusqu’à disparaître. »
ROGER GILBERT LECONTE

Il ne s’agit plus, alors, de décrire ce que l’on observe mais de tenter de suggérer ce que l’on voit. Voir, c’est voir l’invisible, c’est se réintégrer dans l’implicite. « Il faut se faire voyant », proclamait Arthur Rimbaud, et Walt Whitman : « Les poètes du cosmos avancent jusqu’aux premiers principes ».

Poètes du cosmos, vous nous ouvrez le monde du silence, à nous qui ne savons pas nous passer des mots. C’est au seuil de ce monde que le poète Henri Michaux lança un jour cette parole que Gautama le Bouddha n’eut peut-être pas désavouée et que Mahasakyapa eut sans doute accueillie avec son sourire légendaire, exprimant une indulgence bien évidemment compatissante, mais un rien condescendante, devant cette fulgurante intuition d’un franc-tireur dopé au chanvre indien :

Contemplation c’est être reçu.

Michel Berry, qui n’est ni physicien ni poète, et qui n’est pas non plus bouddhiste, se livre ici avec délices à ce que, nous a-t-il rappelé, Stéphane Mallarmé dénomma le démon de l’analogie.

 

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