La voie de la libération

3.2. Le hînayâna, voie de la discipline

3.2.2. Le refuge et les Trois joyaux

«En essence, le refuge est unique,
Mais ses moyens sont triples.»
Tarpa Chenpö Do (Thar pa chen po’i mdo).

La confiance

La confiance permet de s’engager dans la voie et de progresser sur celle-ci avec effort.

C’est un état d’esprit qui naît initialement d’une compréhension des qualités des Trois joyaux. Lorsque nous entendons parler du Bouddha, de l’éveil, comprenons les qualités du dharma, les bienfaits de sa pratique, et percevons l’assistance que peut nous apporter dans celle-ci le sangha, la communauté de ceux qui transmettent et pratiquent le dharma, confiance et aspiration naissent en nous.

Il y a principalement trois formes de confiance : « la confiance de l’admiration » ou « de l’émerveillement » accompagne la découverte des qualités du bouddha et des Trois joyaux ; « la confiance de l’aspiration » est fondée sur la première forme de confiance, c’est l’aspiration à cheminer vers l’éveil ; et « la confiance de la certitude » vient lorsque nous acquérons par la pratique l’expérience authentique de la vérité des enseignements.

Ainsi, le cheminement commence sur la base d’une certaine confiance en les Trois joyaux, en la possibilité d’éveil et de réalisation des qualités de celui-ci, ou tout simplement en la possibilité d’un progrès spirituel : ceci nous émerveille et nous inspire. Nous souhaitons alors aller plus avant, en savoir davantage et, bien que nous ne sachions pas encore si l’enseignement que nous entendons est juste ou non, nous entrevoyons ses qualités et apprécions sa valeur. Nous avons alors la confiance « de l’admiration » encore nommée « de l’émerveillement » ou « de l’inspiration », qui est la forme initiale de la confiance.

Cette première forme de confiance nous incite à tenter un premier pas dans le cheminement. Entrouvrant ainsi la porte du dharma, nous apercevons la véracité de certains de ses aspects et gagnons de l’assurance. S’approfondissent alors en nous une aspiration à l’éveil et un élan vers l’enseignement, le Bouddha et le dharma. C’est la deuxième forme de confiance : « la confiance de l’aspiration ». Dans celle-ci nous prenons l’éveil, l’état de bouddha, comme but, et le dharma comme moyen pour cheminer vers celui-ci.

Ensuite, la pratique profonde enrichissant progressivement notre compréhension, au lieu de simplement penser que l’état de bouddha et l’enseignement sont merveilleux et utiles et d’aspirer à leur pratique, nous goûtons directement et véritablement leurs bienfaits, et savons alors directement qu’ils sont authentiques et justes. Il y a vérification directe de leur véracité. C’est la troisième forme de confiance : « la confiance de la certitude ».

Bouddha

La nature pure de l’esprit – ouverture, clarté et bonté – est en nous depuis toujours, mais masquée par des voiles recouvrant les qualités qui lui sont propres. Un bouddha ou un grand bodhisattva ont purifié, dévoilé leur esprit, et ont épanoui en lui toutes les qualités inhérentes à la nature de bouddha1Sur les qualités du bouddha, voir infra L’éveil et les Trois corps du bouddha. . Tout comme lorsqu’il n’y a plus ni nuages ni brouillard, l’espace est ouvert, lumineux, baigné par le soleil2Voir supra Le dharma : une pratique de dévoilement. ! « Le rare et sublime bouddha » est la réalisation ­ultime de l’esprit « tout pur et tout épanoui » ; c’est aussi un exemple concret, celui que nous ont donné le bouddha Shâkyamuni et tous ceux qui, à sa suite, sont arrivés à l’éveil.

Dharma

Dans sa réalisation, un bouddha est libre de tout conditionnement douloureux et apte à mettre en œuvre tout ce qui est possible pour le bien des vivants. Son activité éveillée s’exprime de bien des façons, principalement par sa parole, son enseignement : le dharma du Bouddha, l’enseignement de réalité. La parole des bouddhas est pourvue de qualités que l’esprit ordinaire ne peut comprendre. Elle fait descendre sur tous les êtres une pluie d’enseignements des différents véhicules, les énonçant en une seule fois, dans la langue particulière à chacun et en conformité avec l’intelligence, les facultés, les aspirations, les possibilités et les limites qui lui sont spécifiques. Cette parole harmonieuse est bonne au début, au milieu et à la fin de la voie. Profonde et vaste comme l’océan, elle œuvre perpétuellement pour le bien des vivants, en ce monde et dans bien d’autres univers, cela tant qu’il y a des êtres dans le samsâra. Cette parole du Bouddha est le « rare et sublime dharma ». Il a deux aspects : le dharma des écritures qui nous indique la voie vers l’éveil et le dharma de la réalisation qui est l’expérience pratique et véritable du sens de ce dharma écrit.

Sangha

Ceux qui étudient, pratiquent et transmettent les mots et l’expérience du dharma constituent le sangha : la communauté des pratiquants du dharma du Bouddha. On distingue, selon le degré de réalisation qu’ils en ont, le sangha supérieur et le sangha des êtres ordinaires. Le premier est constitué par les êtres réalisés déjà affranchis du samsâra ; le second comprend tous ceux qui ont pris des engagements, chacun selon sa convenance, que ce soient ceux du hînayâna, ceux de bodhisattva ou ceux du vajrayâna. Ces deux classes forment ensemble « le rare et sublime sangha ».

Entrer en refuge

Bouddha, dharma, et sangha constituent ensemble les « Trois joyaux ». Entrer en refuge en le Bouddha, le dharma et ceux qui le pratiquent et le transmettent, le sangha, est l’engagement spirituel initial, lequel s’effectue sur la base de la confiance qui nous tourne vers les Trois joyaux et nous engage à commencer à cheminer sur leurs traces.

L’entrée en refuge établit une connexion spirituelle qui, d’une part, nous protège des craintes, des peurs de toutes les souf­frances du cycle des existences conditionnées et des obstacles, en cette vie, au moment de la mort et jusqu’à l’éveil ; et d’autre part nous conduit et nous dirige vers l’éveil, nous montrant la voie et nous guidant sur celle-ci. Entrer en refuge jusqu’à l’éveil en y associant tous les vivants est l’entrée dans la voie du Bouddha ; c’est le fondement du dharma.

Nous entrons en le refuge :
– Du Bouddha, rendant hommage à son exemple, aspirant à la réalisation de son état et lui demandant de nous protéger et de nous guider avec tous les êtres encore prisonniers du cycle des existences.
– Du dharma, comprenant sa valeur, et nous engageant avec confiance dans son étude et sa pratique.
– Du sangha, en écoutant avec confiance et respect les enseigne­ments qu’il transmet et pratiquant suivant l’exemple de ses membres.

Entrer en refuge est établir fondamentalement une connexion spirituelle positive avec les Trois joyaux. Cela nous engage dans le dharma et sa pratique, mais n’implique pas le rejet ou le reniement de la confiance que nous pouvons avoir en d’autres traditions. C’est la base du cheminement sur la voie de la libération, elle protège de ce qui pourrait en détourner ainsi que des intentions et actes qui y contreviendraient. Lorsque nous entrons véritablement en refuge, aucun obstacle ne nous fait plus trébucher, nous ne renaissons plus dans les trois mondes inférieurs et finalement, sur cette base, la transmigration dans le cycle des existences viendra à son terme3Voir aussi infra Les refuges extérieur, intérieur et absolu..

La relique dent de chien

Une vieille Tibétaine pratiquante du dharma avait un fils commerçant qui, pour son négoce, se rendait fréquemment en Inde.

Sa mère, un jour, lui dit :
« L’Inde est le pays du bouddha Shâkyamuni ; s’il te plaît, rapporte-moi quelque relique de lui, qui puisse servir de support à ma dévotion. »
Le fils partit mais, accaparé par les soucis de ses affaires, il oublia la requête de sa mère et revint les mains vides, manquant ainsi plusieurs fois à sa parole. La vieille mère désespérait d’avoir sa relique avant de mourir.

Elle lui dit un jour :
« Si tu oublies encore lors de ton prochain voyage, à ton retour je me tuerai devant toi. »

Mais le fils affairé oublia de nouveau, et, de retour, s’approchant de la maison familiale, il se souvint des paroles de sa mère. Craignant qu’elle ne mît à exécution ses menaces, il se demanda que faire. Sur le bord de la route, il vit un crâne de chien ; il en arracha une dent, qu’il enveloppa soigneusement dans du tissu précieux. De retour à la maison, il dit :

« Regarde, maman, ce que je t’ai rapporté : une dent du seigneur bouddha Shâkyamuni lui-même ! »

Sa mère le crut et, ravie, plaça la dent sur son autel et effectua prières et offrandes avec une très grande ferveur. Il est dit que la dent fit apparaître des perles miraculeuses et que, lorsque la vieille femme mourut, des signes extraordinaires se manifestèrent.

Une dent de chien n’a pas en elle-même d’influence spirituelle particulière, mais la force de la confiance de cette vieille femme, qui la considéra comme la dent du Bouddha, lui fit rencontrer l’influence spirituelle des Trois joyaux.

L’influence spirituelle des Trois joyaux est omniprésente, c’est la confiance qui nous y ouvre.

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