1. L’unité des différentes traditions

1.3 Le dharma du bouddha

«Ne faire aucun acte nuisible,accomplir parfaitement ce qui est bénéfique
Et discipliner complètement son esprit :
Tel est l’enseignement du Bouddha.»
Bouddha Shâkyamuni

Il y a deux mille cinq cents ans, grâce à l’expérience de la méditation, bouddha Shâkyamuni pénétra l’essence de l’esprit. Par la contemplation directe, il réalisa sa nature profonde et parvint ainsi à l’« éveil ». Ce fut son expérience capitale.

Ayant ainsi découvert la réalité de ce que nous sommes, il énonça son enseignement et proposa un cheminement pour accéder à l’expérience qu’il avait réalisée. Cet enseignement s’appelle le « dharma du Bouddha », l’enseignement du Bouddha.

C’est une connaissance expérimentale qui nous apprend à reconnaître notre nature fondamentale et libère de l’asservissement aux illusions, aux passions et aux pensées. Elle permet de découvrir le vrai bonheur, durant la vie, au moment de la mort et dans les existences ultérieures, jusqu’à l’ultime éveil spirituel qu’est l’état de bouddha. Elle développe sagesse1Cette sagesse est l’expérience juste, directe et immédiate de tout phénomène. et compassion universelles.

La science intérieure

Ce dharma du Bouddha traitant de notre nature intérieure, de notre être profond, s’appelle la « science intérieure ». C’est le nom traditionnel de ce qui est appelé en Occident « bouddhisme ».

Plus précisément, l’expression tibétaine rendue en langue occidentale par « bouddhisme » est « nangpa sangyepé tchö ». Les deux derniers termes pris ensemble signifient le « dharma du Bouddha », ou encore le dharma de l’éveil. « Dharma » a ici principalement le sens d’« enseignement » ; et le seul mot « bouddha » désigne à la fois l’origine des enseignements : le Bouddha historique, et la réalisation spirituelle qu’il a atteinte : l’« état de bouddha ». Quant au premier mot, « nangpa », il signifie « intérieur » et souligne le fait que ces enseignements ne concernent pas tant le corps et le monde extérieur que l’esprit qui en est l’habitant intérieur ; les enseignements ayant pour fonction principale d’apporter à cet esprit paix, bonheur et liberté. Le dharma du Bouddha est ainsi la science intérieure ou la science de l’intériorité, entendue comme « science de l’esprit ».

La transmission des paroles et de l’esprit.

Toutes les paroles du Bouddha ont été consignées par écrit et sont toujours conservées dans la tradition tibétaine en un recueil de cent huit volumes nommé Kangyur, ce qui signifie « la traduction des paroles du Bouddha ».

Le Kangyur comprend des textes appelés « sûtras » qui sont les fondements des deux premiers niveaux de l’enseignement : le hîna­yâna et le mahâyâna ; ainsi que des textes nommés « tantras » qui sont la base du troisième niveau des enseignements : le vajrayâna.

En plus de cette collection du Kangyur qui constitue la référence de base de la tradition, il y a tous les commentaires et traités que les principaux érudits et accomplis de l’Inde ont composés pour clarifier les enseignements. Cette collection s’appelle le Tengyur, ce qui signifie « la traduction des commentaires ». La collection complète contenait deux cent quarante volumes dont il ne reste aujourd’hui que deux cent quinze. Au Kangyur et au Tengyur s’ajoutent tous les milliers de volumes, œuvres des érudits et accomplis tibétains.

Tous ces enseignements du Bouddha proposent une voie d’éveil, de libération des illusions de l’ignorance et des passions qu’elles induisent. Ils sont des remèdes aux trois poisons fondamentaux de l’esprit : le désir-attachement, l’aversion-répulsion, l’ignorance-aveuglement, et à toutes les émotions conflictuelles résultantes. Dans leurs multiples subdivisions et combinaisons, ces trois poisons fondamentaux permettent d’envisager jusqu’à quatre-vingt-quatre mille types d’émotions conflictuelles !

Les enseignements des sûtras sont plus particulièrement constitués de trois collections : le Vinaya ou recueil de la discipline, les Sûtras proprement dits ou recueil des exposés, et l’Abhidharma ou recueil de la réalité. Ces trois collections sont considérées comme des remèdes s’appliquant plus particulièrement à chacun de ces trois poisons fondamentaux de l’esprit. Le vinaya, exposant l’esprit de la discipline et ses règles, est plus spécifiquement un remède aux vingt et un mille types de désir-attachement. La collection des sûtras proprement dite est l’exposé d’enseignements donnés par le bouddha Shâkyamuni en divers lieux et circonstances ; elle est plus spécifiquement un remède aux vingt et un mille différents types d’aversion-répulsion. Le recueil de l’abhidharma expose la nature de la réalité (l’existence, le monde et les individus) ; il remé­die plus particulièrement aux vingt et un mille types ­d’ignorance-aveuglement. Quant aux enseignements des tantras (le terme signi­fie « continuité »), ils constituent le vajrayâna et sont considérés comme un remède aux vingt et un mille types de mélanges des trois poisons de l’esprit !

Il serait difficile d’étudier ces divers enseignements dans leur intégralité, mais les lamas de la lignée nous transmettent leur essence, sous la forme aisée à comprendre d’instructions directes.

Tous les enseignements du Bouddha ont ainsi été transmis dans la lettre par ces textes, mais aussi dans l’esprit par la réalisation des lamas de la lignée ; et cela jusqu’à nos jours, par une transmission ininterrompue de maître à disciple. Dans la seule lignée Kagyü, « la tradition de la pratique », il y eut au fil des siècles un océan d’accomplis, une foule d’êtres qui arrivèrent à l’éveil suprême.

l y a encore aujourd’hui des maîtres qui ont acquis la parfaite réalisation de ces enseignements. Les différents aspects de leur transmission et de leur accomplissement étant parvenus intacts jusqu’à nos jours, ils nous sont ainsi accessibles dans leur totalité, en théorie comme en pratique. Il ne tient qu’à nous d’avoir l’intelligence, le courage et l’énergie de les pratiquer !

Dans les trois parties de ce livre, seront envisagés successivement :

  1. l’esprit, qui est le fondement de toutes les traditions, puis ses transformations de naissance en naissance ;
    2. les différentes pratiques du dharma constituant la voie de la libération ;
    3. et finalement la pratique du dharma dans la vie quotidienne contem­poraine.

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