La voie de la libération
3.4. Le vajrayâna, voie de la transmutation
«Couronné par les Trois joyaux du refuge extérieur,
Vous avez réellement accompli
Les Trois racines du refuge intérieur
Et rendu manifestes les Trois corps du refuge absolu.
Ô maître inégalé, à vos pieds, je m’incline !»
Patrul Rinpoché, Le Chemin de la grande perfection.
3.4.4. Les Trois racines
Les refuges du hînayâna et du mahâyâna sont les Trois joyaux, celui du vajrayâna comprend aussi les Trois sources ou Trois racines qui sont : le lama, le yidam et le protecteur ou dharmapâla. Le terme « source » ou « racine » se réfère au fait que le lama est la source de l’influence spirituelle, le yidam celle des accomplissements et le dharmapâla celle de l’activité éveillée.
Le lama
Le lama est celui qui nous guide et nous transmet progressivement les points essentiels des enseignements du vajrayâna ; il est l’héritier de la lignée et détient l’influence spirituelle de ses pratiques1Voir supra Le rôle du lama source ou lama racine., il accorde les habilitations-initiations – « abhisheka » en sanscrit – qui font mûrir notre karma et les divers courants de notre conscience, ainsi que les transmissions des écrits et les instructions orales s’y rapportant.
La transmission des écrits étaye les enseignements, et les instructions révèlent le sens des abhishekas. Le lama est ainsi l’origine des différents aspects de la transmission, et la source ou la racine de l’influence spirituelle.
Le yidam
Les différentes « divinités de l’esprit » – « yidam » en tibétain – sont des aspects du bouddha qui a pour nature propre les trois corps de l’éveil et les cinq intelligences primordiales2Voir supra L’éveil et les Trois corps du bouddha.. Dans sa compassion, il manifeste les différents aspects des yidams, chacun d’eux étant littéralement, suivant le sens même du terme, « la divinité, ou déité, à laquelle notre esprit se voue ». Ils sont appelés ainsi car un pratiquant tient l’un d’eux pour sa déité personnelle, sa divinité d’élection, et se consacre à sa pratique. Celle-ci est constituée des deux phases de méditation dites « phase de génération » et « phase de perfection »3« Phase de génération » : « utpattikrama » en sanscrit, « kyerim » en tibétain. « Phase de perfection » : « sampannakrama » en sanscrit, « dzogrim » en tibétain.. De leurs pratiques viennent la réalisation de la nature de l’esprit et tous les accomplissements, aussi les yidams sont-ils la source ou la racine des accomplissements4Voir infra La pratique d’un yidam..
Le dharmapâla
Le « protecteur du dharma » – « dharmapâla » en sanscrit – est aussi la manifestation d’aspects éveillés de l’esprit, apparaissant pour porter assistance aux pratiquants dans l’accomplissement des quatre types d’activités éveillées : de pacification, d’accroissement, de puissance et de destruction. Ils sont la source ou la racine de l’activité éveillée, au-delà des causes et des effets du karma.
Les refuges extérieurs, intérieurs et absolus
Les Trois sources constituant le refuge intérieur, leur sens est extrêmement profond ; il ne nous est pas possible de le comprendre complètement d’emblée, mais il s’éclaire progressivement avec l’étude et la pratique.
Nous pouvons nous demander : si nous sommes intrinsèquement bouddha, pourquoi avons-nous besoin d’un refuge qui semble extérieur, et même, peut-il y avoir un refuge extérieur ? Pour répondre, prenons pour exemple le Premier ministre d’un pays. A priori, il semble quelqu’un d’ordinaire et nous pourrions nous demander d’où lui viennent les qualités qui lui permettent de gouverner. La réponse se trouve dans ses connaissances et son expérience. Si nous nous réveillions un matin pour devenir dirigeant d’un pays, nous ne saurions comment faire ni par où commencer ; pourtant, si nous recevions la formation nécessaire, nous serions parfaitement capables d’accomplir ce travail. Si un dirigeant nous prend en charge et nous fait passer par toutes les étapes préparatoires nécessaires, nous pouvons finalement devenir son égal. De façon similaire, nous avons intrinsèquement la même nature que le Bouddha, mais nous l’ignorons et ses qualités ne sont pas révélées en nous. Pour les actualiser et enlever les voiles qui nous les masquent, il est nécessaire que nous nous tournions vers le Bouddha déjà arrivé à la perfection, afin qu’il nous guide et nous aide. Au départ, quand nous nous tournons vers le Bouddha, il semble être à l’extérieur de nous. Il en est de même quand nous recevons un enseignement de notre lama. Aussi longtemps que nous sommes aveuglés par l’illusion d’un moi et d’un autre, il est nécessaire et utile de prendre ainsi refuge. Pourtant, il ne faut pas oublier que l’esprit de tous les êtres et celui du Bouddha ne sont fondamentalement pas différents. Notre esprit est aujourd’hui comme un élève avant que le professeur ne lui ait communiqué son savoir. Une fois qu’il se sera pleinement éveillé à la connaissance, il sera identique à celui du Bouddha. Les enseignements peuvent nous aider à nous éveiller parce que nous avons déjà la nature de bouddha. Si nous ne l’avions pas, essayer de purifier l’esprit serait comme tenter de nettoyer un morceau de charbon, nous aurions beau le laver encore et encore, il resterait toujours noir. Par contre, dévoiler l’esprit est comme nettoyer un objet : la saleté enlevée, sa nature se révèle. Le diamant de la nature de bouddha a toujours été là, mais invisible car voilé par une gangue. L’or de l’éveil est dans le sol de notre esprit mais si nous ne creusons pas, il reste caché.
Lorsque vous méditez sur les Trois sources en général ou sur votre yidam en particulier, vous pouvez donc au début de la pratique le percevoir comme extérieur. C’est ainsi que les voiles commenceront à se dissiper. Des percées dans l’écran des nuages laisseront d’abord filtrer des rayons de soleil, l’influence spirituelle du yidam vous éclairera et vous réaliserez finalement que lui et votre esprit n’êtes pas différents5Voir infra Au-delà des attachements.. Vous réaliserez alors les Trois corps de l’esprit d’un bouddha qui sont le refuge absolu.
<<Page précédente – Page suivante>>