L’esprit et ses transformations

2.1 L’esprit, la réalité et l’illusion

2.1.2 Un esprit et deux états

«Sa nature non réalisée, l’océan cyclique tourne,
Celle-ci étant réalisée, il n’est d’autre bouddha.
Etant omniprésente il n’est rien qui puisse lui être autre.
Puisse la réalité, fond universel, se comprendre.»
Karmapa III, Les Souhaits du Mahâmudrâ.

L’éveil et l’illusion

L’esprit a deux visages, deux facettes, les deux faces d’un même fond qui sont l’éveil et l’illusion :

– L’éveil est l’état naturel de l’esprit, l’esprit pur. Son mode de connaissance, ou mieux d’expérience, est non dualiste, on le nomme l’expérience ou l’intelligence primordiale. Ses expériences sont authentiques, c’est-à-dire sans illusions. L’esprit pur, la nature de l’esprit, est à la fois libre de voiles et plein des nombreuses ­qualités éveillées.
– L’illusion est l’état de l’esprit habituel, impur. Son mode d’expé­rience est dualiste, c’est la « conscience habituelle ». Ses expériences sont altérées par des illusions. L’esprit impur est conditionné et pourvu de nombreuses souffrances.

L’esprit impur illusionné est l’état des êtres ordinaires, celui dans lequel nous sommes habituellement. L’esprit pur éveillé est l’état en lequel l’esprit réalise sa propre nature libérée des conditionnements habituels et des souffrances qui y sont associées. C’est l’état d’éveil d’un bouddha.

Quand notre esprit est dans son état impur, illusionné, on est un être ordinaire qui traverse différents états d’existence ou de conscience conditionnée. Les transmigrations de la conscience dans ces états constituent dans leur ronde indéfinie l’« existence conditionnée », le « cycle des existences » ou encore l’« existence cyclique » – « samsâra » en sanscrit.

Quand l’esprit est purifié de toutes les illusions du samsâra, cette transmigration cesse ; c’est alors l’état d’éveil d’un bouddha, qui est expérience de la pureté essentielle de notre propre esprit, de notre nature de bouddha.

Tous les vivants, quels qu’ils soient, ont la nature de bouddha, c’est la raison pour laquelle tous peuvent la réaliser. C’est parce qu’elle est en chacun de nous qu’il est possible d’atteindre l’éveil. Si nous ne l’avions pas déjà en nous, nous ne pourrions jamais la réaliser.

Ainsi, l’état vulgaire et l’état éveillé se distinguent-ils uniquement par l’impureté ou la pureté de l’esprit, par la présence ou l’absence en celui-ci d’illusions. Notre esprit d’aujourd’hui a déjà toutes les qualités de l’état de bouddha ; elles résident en lui, elles sont sa nature la plus pure. Malheureusement, elles sont ignorées, masquées par diverses enveloppes, voiles, et autres formes de souillures qui lui sont surajoutées.

Bouddha Shâkyamuni enseigna :

La nature de bouddha est présente en tout vivant,
Mais voilée par des illusions adventices.
Celles-ci purifiées, ils sont vraiment bouddha.

La distance entre l’état vulgaire et l’état « éveillé » est donc celle qui sépare la non-expérience de l’expérience de cette nature pure de l’esprit. Dans l’état ordinaire, elle est ignorée. Dans l’état d’éveil, elle est pleinement réalisée. La situation dans laquelle l’esprit ignore sa véritable nature est ce que l’on appelle l’« ignorance fondamentale ». En réalisant sa nature profonde, l’esprit se libère de cette ignorance, des illusions et des conditionnements qu’elle induit, et accède ainsi à l’état d’éveil inconditionné appelé « libération ».

Tout le dharma du Bouddha et sa pratique consistent à purifier, à « désillusionner » cet esprit et, ainsi, à le faire passer de son état impur à son état pur, de l’illusion à l’éveil.

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