L’esprit et ses transformations

2.2 Vies, morts et renaissances

2.2.3. De vie en vie : transitions et bardos

«Puissé-je reconnaître toutes les
Manifestations du bardo qui m’apparaissent,
Comme étant mes propres projections,
L’irradiation de mon propre esprit.»
Padmasambhava, Bardo Tödröl.

Il n’y aurait pas de renaissance si, au moment de la mort, nous disparaissions comme s’éteint une flamme soufflée ou comme l’eau s’évapore. Mais l’esprit est vacuité et le vide ne saurait mourir. À la mort, cet assemblage de corps et d’esprit, attaché aux apparences illusoires que nous sommes, se désunit, et chacun de ces deux constituants s’en va de son côté ; puis, de nouveau, par le pouvoir du karma, des tendances fondamentales et des passions, sous l’influence de causes et d’agents variés, nous reprenons naissance dans l’un des six mondes.

Bardo.

Selon le dharma, comme selon d’autres traditions, la mort n’est pas une fin. Au-delà de celle-ci, il est une continuité d’expériences dans différents états appelés « bardo ». Ce terme tibétain signifie littéralement « entre deux », « intervalle » ou « passage » ; ces pas­sages sont tous les états que la conscience traverse. La succession des bardos constitue le cycle du samsâra, l’existence cyclique.

Ce processus de bardos successifs se rapporte à la transmigration de la conscience de vie en vie, mais aussi aux transformations qui se produisent d’instant en instant dans nos états de conscience. Les enseignements sur les différents bardos sont présentés en particulier dans un célèbre ouvrage traditionnel : le Bardo Tödröl, littéralement « L’entendement qui libère des bardos », plus connu en Occident comme le Livre tibétain des morts. Il donne des instructions à mettre en pratique lors des bardos et propose, d’une certaine façon, une voie pour réaliser leur nature et s’en libérer.

Bien que ce soit son sens le plus connu, le mot « bardo » ne s’ap­plique donc pas exclusivement à l’intervalle entre la mort et la renaissance, mais aussi à toutes les conditions existentielles par ­lesquelles passe la conscience. Ainsi l’emploie-t-on également pour désigner la vie, qui est le bardo entre la naissance et la mort, et le plus long d’entre eux. On parle aussi du « bardo d’entre deux pensées » ou d’entre deux états de conscience, le plus court de ces bardos.

La période allant du moment de l’endormissement à celui du réveil s’appelle le « bardo du rêve », tandis que l’agonie est le « bardo du moment de la mort ».

Puis, après l’arrêt définitif de la respiration, vient une période où l’esprit sombre dans un état de totale inconscience ; c’est le « bardo de la vacuité ».

Enfin, le « bardo du devenir » désigne la période qui suit l’inconscience du bardo de la vacuité, et pendant laquelle la conscience fait l’expérience d’un monde post mortem jusqu’au moment de la renaissance.

Les quatre grands bardos.

Une présentation succincte peut être faite à partir de quatre grands bardos, en référence aux processus de morts et de renaissances. Ce sont :
– le bardo « de la naissance à la mort », c’est-à-dire l’état dans ­le­quel nous sommes actuellement,
– le bardo « du moment de la mort », correspondant à l’agonie, le passage de la vie à la mort,
– le bardo « de la vacuité », période suivant la mort,
– et finalement le bardo « du devenir », qui est la phase intermédiaire entre le bardo de la vacuité, dont nous venons de parler, et une autre existence avec laquelle on commence un nouveau bardo de la naissance à la mort.

Lorsqu’on parle de six bardos, le cinquième et le sixième sont inclus dans le bardo de la naissance à la mort : il s’agit du « bardo de l’état de rêve » et du « bardo de la méditation » ; ils correspondent, l’un comme l’autre, à des états de conscience particuliers vécus durant cette vie.

Nous allons, dans les chapitres suivants, décrire séparément chacun des quatre grands bardos, dont la succession constitue le cycle du samsâra.

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